Nautilus

Nautilus est un jeu de rôle publié par Deadcrows en 2020 dans l’univers des romans de Jules Verne. Il propose de jouer des aventures dans l’univers progressiste du fertile romancier, notamment avec une grande campagne occupant une place significative dans le nombre de pages du livre. Le jeu prend place dans une uchronie de la fin du XIXe siècle. Certains le classeront dans la catégorie steampunk, genre qui doit beaucoup aux écrits de Verne. A noter un drôle de hasard dans les calendriers : Verne et associés, 1913 est un autre jeu de rôle paru en 2019 publié par Studio09. Je ne ferai pas la comparaison entre les deux jeux car je n’ai ni les ouvrages du second ni encore eu l’occasion d’y jouer.

Pour voir mes aides pour mener la campagne, c’est ici (Attention spoilers !). [Encore en cours d’écriture]

NB : j’amenderai cet article quand j’aurais joué un scénario ou démarré la campagne. Cet article rejoint pour le moment celui de Macadabre dans la catégorie « pas encore joué ».

Le contexte

Tout lecteur assidu de Jules Verne aura une bonne idée du contexte dans lequel les joueurs vont être plongés pendant cette campagne, avec sûrement une appréhension sur l’adaptation des œuvres. Et surtout, comment on y aura fait de la place pour un groupe de PJ ! Nautilus s’appuie sur de nombreux romans : 20000 lieues sous les mers, Voyage au centre de la Terre, De la Terre à la Lune, Autour de la Lune, Les 500 millions de la Begum, L’île à hélice, L’île mystérieuse, Robur le conquérant, Le tour du monde en 80 jours, La maison à vapeur… Tisser une trame cohérente en s’appuyant sur autant de romans est un tour de force ! Et réussi avec brio je trouve ! Il y a donc des sous-marins d’avant-garde (le Nautilus), des canons géants (il faut ça pour aller sur la Lune !), des voyages improbables, des cités utopistes, etc. Bref, tous les bons ingrédients qui font rêver dans les œuvres de Jules Verne.

Évidemment, l’action se déroule dans le dernier quart du XIXe siècle. C’est une époque troublée en bien des endroits de la planète. Parfois, les personnages seront loin des événements ; parfois, ils en seront acteurs. Et là, entrent justement de nombreux points très intéressants. Les thèmes principaux du jeu sont le progrès technique et humain, avec leurs pendants négatifs. J’aime bien car cela nous plonge historiquement dans les défis propres aux XIXe siècle, non sans un certain écho dans notre société actuelle (progrès, environnement, transhumanisme…).

Le système

Pour autant que je puisse en juger, le système est simple et fonctionnel. Il est largement similaire à d’autres jeux : on lance autant de D10 que l’on a dans une compétence, éventuellement on peut en relancer quelques uns (selon les spécialités dont le personnage est pourvu), et on doit dépasser un seuil. Chaque dé remplissant cette condition est une réussite. Une jauge de Pression (j’adore le nom, complètement raccord au niveau psy et avec le thème du jeu) peut relever ce seuil à 6, 7 ou 8. Un effet Kraken se déclenche quand la Pression est trop importante : à savoir un effet vraiment pas cool que les personnages devront gérer en plus du reste. En contrepartie, la Pression redescend immédiatement à un seuil de 6. Autrement dit, les personnages sont plus dans la merde mais retrouvent des moyens de les traiter.

La création de personnages est aussi une phase intéressante : on crée tout l’équipage du Nautilus en même temps car il faudra définir des historiques et des liens entre les personnages. Le navire lui-même dispose de sa fiche avec ses caractéristiques et est créé à ce moment-là. Différents groupes jouant à Nautilus auront donc différents Nautilus. C’est bien vu et assure plus de variabilité dans le jeu, sans compter l’appropriation du navire par les joueurs. Ce n’est pas sans me rappeler Mahamoth avec le vaisseau des missionnaires qu’ils adaptent de scénario en scénario. Il reste à voir combien de temps est nécessaire pour créer tout cela. A vue de nez, je dirais une poignée d’heures, 2 ou 3 sans doute.

La forêt de champignons au centre de la Terre

Les ouvrages

Franchement, le livre de base est de toute beauté. L’édition standard a même l’excellente idée de reprendre la couverture rouge caractéristique de Hetzel (voir l’image en début d’article). Avec une jolie maquette, aérée, fréquemment illustrée, le texte est agréable à lire. De plus, le livret d’aventures n’a rien à lui envier. Les objets en eux-mêmes sont vraiment agréables à tenir en main et à regarder. J’aurais aimé que les deux livres contiennent dans le coffret, mais bon, on ne peut pas tout avoir !

J’ai plus de réserves sur le contenu. Pas au niveau des relectures de forme (il reste quelques coquilles de mise en forme mais l’orthographe est bonne – désolé de cette remarque, je suis un puriste pinailleur, sûrement une déformation professionnelle…), mais davantage sur le matériau lui-même. Avant d’attaquer le vif du sujet, le livre, pourtant illustré, ne l’est pas de manière efficace. Les illustrations des romans apportent à l’ambiance générale de l’univers, mais n’ont pas d’utilité pour la campagne et ni pour se représenter les éléments narratifs importants du jeu ; tandis que les illustrations originales, superbes, sont trop rares. Par exemple, il n’y a aucun portrait des nombreux protagonistes des scénarios. Une image valant cent lignes, c’est dommage. Les plans du Nautilus sont superbes, mais on n’a pas les plans des autres lieux visités par les personnages, excepté pour un scénario où une carte est fournie (en version meneur, pas de version joueur). L’apparence des machines verniennes que l’on croise doit souvent être purement et simplement imaginée. J’aurais aimé un peu plus d’efforts car ce sont des éléments utiles pour tout le monde : meneur et joueurs. Cela aide à l’immersion et au gameplay.

Vient ensuite la grande campagne dont évidemment je ne dévoilerai pas ici le contenu (reportez-vous à la FAQ (attention spoilers en masse !) si vous voulez en savoir plus). Elle met en scène les éléments extraits des livres cités en début d’article. Parfois, l’articulation entre les différents actes sonne quelque peu artificielle. Toutefois dans l’ensemble, c’est un travail énorme réussi qui a été abattu et qui ne paraît pas forcément de prime abord. Certes, les romans fournissent une matière importante mais il faut encore trouver un angle d’attaque pour transformer soit le roman soit les éléments centraux du roman en une nouvelle intrigue… de jeu de rôle. Jules Verne n’aurait jamais imaginé que des hurluberlus trouveraient le moyen d’honorer son travail en jouant avec !

Séance d’exploration sous-marine.

La campagne

Donc que peut-on dire de la campagne ? Hélas, pour moi, elle concentre presque tous les défauts de Nautilus. Si le matériau brut a été bien exploité, son écriture en éléments ludiques a souffert de ratés extrêmement dommages, d’autant plus qu’ils semblent faciles à identifier pour un éditeur de jeu de rôle. Dans un des scénarios, les scènes sont mal agencées. Ça, ce n’est pas trop grave, on lit et on restructure ensuite mais j’ai la sensation d’un loupé un peu bête. Non le plus grave, c’est qu’il manque un morceau de la campagne. Typiquement, la fin et un épilogue auraient été plus que bienvenus. Cela force le meneur à inventer la fin, voire à reconstruire des pans entiers de la campagne. S’il est vrai que l’ensemble est ouvert à de nombreuses possibilités et que les auteurs n’ont probablement pas voulu trancher trop fermement vers une option ou une autre, il y aurait pu y avoir une ou plusieurs pages de pistes à développer afin d’orienter les meneurs. A la place, on a simplement une note nous invitant à écrire la fin ! Personnellement, je suis complètement décontenancé. A tel point que j’en suis à envisager deux options : soit réécriture d’un enjeu narratif majeur (qui n’a été que très peu développé) à travers toute la campagne, soit carrément ne pas la faire jouer !! Je suis peut-être mal habitué par les autres campagnes publiées que j’ai jouées, mais j’ai toujours eu suffisamment de matière, soit pour jouer tel que cela a été écrit, soit pour broder les éléments nécessaires à la direction voulue de ma campagne. Ici, Nautilus ne propose pas cela. En quête d’aide, j’ai exposé le problème sur le forum mis en place par l’éditeur, sans succès.

Conclusion

J’ai un sentiment partagé. Le monde m’emballe carrément ! Le Nautilus, le centre de la Terre, la Lune !, des enjeux et des thématiques intéressants, mais je trouve que la campagne proposée, qui exploite pourtant à fond l’univers et les livres, rate un objectif que l’on est en droit d’attendre puisque c’est une campagne : proposer une histoire complète. Ensuite à titre personnel, je lui reproche de ne pas mettre suffisamment en avant le Nautilus lui-même. Heureusement, on peut facilement corriger cela en intercalant d’autres scénarios ou éléments pris dans le livre Aventures. Côté joueurs, je pense que jouer à Nautilus est la garantie de faire un beau voyage… qui dépendra des efforts consentis par le meneur pour apporter la cohésion manquante.

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